Introduction
Avant propos La langue tchouktche Grammaire du tchouktche Lexique thématique Littérature tchouktche Iconographie Bibliographie Menu Principal |
De
même que dans bien d’autres régions de
Russie et du monde, les autochtones de Tchoukotka ont été amenés à
faire un
complexe d’infériorité vis-à-vis de leur culture et de leur langue, à
ne pas
les transmettre à leurs enfants. La langue tchouktche est aujourd’hui
en voie
d’extinction, comme le peuple tchouktche est en voie d’assimilation.
Les
enfants, les jeunes et autres personnes arrivant à la cinquantaine ne
parlent
plus aujourd’hui, en règle générale, que la langue russe. Des
spécialistes russes ont, depuis la fin
du 19ème siècle avec V. Bogoraz, et plus tard P.
Skorik, publié des
travaux sur la langue tchouktche. Les spécialistes autochtones ont été
cantonnés essentiellement dans le domaine de la lexicologie (P.
Inenlikeï -
thèse sur l’adverbe, I. Kulikova – thèse sur le lexique concernant le
renne).
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne les a pas poussés à explorer
les
vastes domaines non décrits de la langue, non plus que sa très riche
syntaxe. Il
faut cependant signaler que Rytgev (Y.
Rytkhéou), écrivain tchouktche qui a publié le plus souvent en russe, a
créé,
dans ses premiers écrits (en tchouktche) et dans ses traductions du
russe, une
véritable langue littéraire tchouktche qui témoigne des ressources
potentielles
de cette langue. Outre cette ébauche de langue littéraire dont on
trouvera ici
l’écho, le lecteur se souviendra que certaines entrées relèvent de
registres
parfois ésotériques (langue des incantations, des cultes, des rites,
des
mythes, des contes, des proverbes, etc.). Lexique Le
présent lexique est le fruit d’une
collaboration de treize années avec des informateurs tchouktches,
souvent sur
place, en Tchoukotka. Avec eux j’ai pu, tout en traduisant en français
de
multiples écrits, mythes, contes, récits, romans, etc., faire des
relevés
systématiques d’entrées lexicales. A travers les thèmes explorés
l’utilisateur
découvrira une autre culture, d’autres croyances, d’autres coutumes, un
autre
mode de vie. Une brève introduction précède chaque thème. J’ai
complété mes propres sources en puisant
dans des travaux antérieurs, notamment dans le dictionnaire
tchouktche-russe de
V. Bogoraz (1937), le dictionnaire tchouktche-russe de T. Moll-P.
Inenlikeï
(1957), le dictionnaire thématique de base koriak-tchouktche de A.
Joukova-T.
Kurebito (2004), les dictionnaires non publiés de P. Inenlikeï et de G.
Ranavroltyn (voir la bibliographie), ou les lexiques de A. Tevlalqot et
de G.
Tegret. Les
entrées, d’abord limitées au mot
tchouktche et à sa traduction en français, ont été complétées par des
traductions en anglais et russe. Une entrée a été parfois assortie de
la phrase
ou de l’expression dans lesquelles le mot a été recueilli. Dans ce cas
j’ai
indiqué en abrégé entre parenthèses le nom de l’auteur et la page de
l’œuvre
d’où cette phrase a été extraite (par exemple Ятг
3/26, c’est-à-dire Iatgyrgyn recueil de contes page 26). Il a pu
arriver que,
par un malencontreux oubli, la phrase soit donnée sans référence à
l’auteur et
à l’œuvre. Que le lecteur veuille bien m’en excuser. J’ai complété les
termes
directement liés à un thème donné par des mots s’y rapportant de façon
indirecte, mais susceptibles d’en brosser un tableau plus général. Certaines
formes notées par V. Bogoraz,
pionnier des études sur la chose tchouktche (à une époque où il n’y
n’avait pas
d’écriture), sont fautives, mais je les ai conservées de façon que le
lecteur, lorsqu’il
les rencontrera en consultant les ouvrages de cet auteur, puisse en
retrouver
la source. Notre lexique porte ainsi un caractère historique. La langue tchouktche La
langue tchouktche ne comporte pas véritablement
de dialectes. Cependant les activités traditionnelles nettement
différenciées
des éleveurs de rennes d’une part et des chasseurs de mammifères marins
d’autre
part impliquent l’existence de vocabulaires spécifiques. L’étendue des
terres
tchouktches a aussi engendré des différences dans la signification d’un
même
mot. Des mots différents peuvent désigner un seul et même objet. Il
arrive
aussi qu’un mot présente des variantes. Il existe un parler des hommes
et un
parler des femmes dans lequel, pour l’essentiel, le phonème r est
proscrit. A
quelques exceptions près nous donnons la forme masculine des mots. Au
total,
pour les locuteurs, qu’ils soient de la toundra ou du bord de mer, la
langue
possède une grande unité et ne pose pas aux uns et aux autres de
notables
difficultés de compréhension. Le
vocalisme des mots varie dans certaines
conditions (flexion nominale, affixation, combinaison de radicaux,
nombre,
etc.). Un mot de vocalisme faible (voyelles e i u) peut ainsi se
retrouver avec
un vocalisme fort (voyelles a e o). Par exemple ныгтин'к'ин
joli
devient
кынныгтэн’к’эн très
joli
après adjonction du préfixe intensif кыт-
qui est de vocalisme fort. La
voyelle ы-
est soit
faible soit forte. Faible, elle ne varie pas. Elle sert par ailleurs de
voyelle
de liaison.
Les consonnes peuvent être aussi l’objet de mutations dans certaines
conditions. Ainsi le préfixe intensif кыт-
très,
tout à fait, droit vers
se
rencontre sous les formes -гты-,
-гт-,
кын-.
La
langue tchouktche possède une consonne
glottale (notée phonétiquement par
ʔ ) .
On peut la trouver à l’écrit sous quatre formes différentes (ъ,
ь,
', -), ce qui témoigne d’un ratage commis lors de l’élaboration d’une
écriture
tchouktche par les grammairiens russes. La conséquence est qu’un même
mot peut
présenter des graphies différentes : dans о'равэтльан
homme
la glottale est marquée par une apostrophe,
dans мaльоравэтльан
on
dirait un homme,
elle est marquée
par le signe ь,
et dans лыгъоравэтльан Vrai
Homme (Tchouktche)
elle est marquée par
le signe ъ.
Un
radical est susceptible de constituer à
lui seul un mot. C’est le cas pour certains noms (к'эпэр
glouton,
ылвылю
renne
sauvage),
adverbes (рыров
loin,
айвэ hier),
postpositions (рээн avec),
d’interrogatifs (титэ
quand,
мин'кы
où),
etc. Plus souvent le mot se présente sous
la forme d’un ou plusieurs radicaux
pourvus
d’un ou plusieurs affixes. Le
verbe possède un infinitif. Quand une
aphérèse se produit dans le radical du verbe, j’ai indiqué entre
crochets,
après l’entrée de l’infinitif, la forme que prend le radical lorsque le
verbe n’est
plus à l’initiale. Ainsi, en face de l’entrée к'ытык
aller
on note /-лк'ыт-/
(нылк'ытк'ин
il
va, гэлк'ытлин il
était allé).
Mais к'ытгъи
(il est allé) se présente avec
aphérèse à l’initiale. Les
adjectifs sont en général affixés. Des
déverbaux peuvent faire office d’adjectifs. Pour
ne pas alourdir cet ouvrage j’ai réduit
au minimum le nombre des mots composés par affixation et par
combinaison de
radicaux. Il existe des affixes lexicaux, comme le suffixe –нн'э-
acquérir (чимгъунн'эк
acquérir
de la jugeote,
sur чимгъу-
pensée), le circonfixe рэ-/-н'ы-
vouloir, tenter (рэльун’ык
tenter
de trouver,
sur льук trouver),
et bien
d’autres.
La combinaison de radicaux en tchouktche ne concerne pas seulement les
groupes
adjectif-nom ou adverbe-verbe. A des degrés divers toutes les radicaux
des mots
composant le discours, verbe, nom, pronom, démonstratif, adjectif,
adverbe,
numéral, postposition,
conjonction, interjection
peuvent incorporer un ou plusieurs radicaux ou leur être incorporés,
l’ordre
des termes pouvant surprendre. Exemple : н'агк'алетлы
vers
le bas de la montagne,
avec le nom н'аг-
montagne incorporé à l’adverbe
к'алетлы
vers
le bas.
Lorsqu’une notion ne
peut se rendre que par un ensemble incorporé je l’inclue dans ce
lexique. Ainsi
чимгъупэлк’ынтэтык se
raviser (чимгъу-
penser, пэлк’ынтэтык revenir
sur
ses pas). La
langue tchouktche fait un large usage de multiples gérondifs et de
participes
qui peuvent se substituer aux formes fléchies du verbe. Par exemple le
participe ивинильын
(de ивиник
chasser sur la banquise)
peut signifier chassant, ou chasseur, ou il
chasse ou il chassait. De
même le gérondif гиткэтэ
(de иткэк ravir,
enlever,
et circonfixe г-/-тэ)
remplace une forme conjuguée
en apportant une nuance d’action intemporelle
:
нэнэнэт к'ол
гэнтэ
aн'к'aтa
гиткэтэ
nos
enfants, parfois, la mer les ravit.
J’ai
parfois assorti le nom de son pluriel
(ou de son singulier, selon le cas). Pour les noms en –льын,
-чьын,
-гыргын,
-ян,
-лк'ыл,
-тъул,
-инэн',
-йыръын,
-ё
(participe passif),
je n’ai pas indiqué le pluriel car ils forment toujours leur pluriel
comme
suit : –льыт,
-чьыт,
-гыргыт,
-янвыт,
-лк'ылти,
-тъулти,
-инэн'эт,
-йыръыт,
-ёт
(причастие).
Les
entrées sont faites dans l’ordre
alphabétique français. Après le mot français vient le mot tchouktche et
sa
transcription phonétique, suivis des traductions anglaise et russe.
Dans la
mesure où le vocalisme d’un mot peut varier, j’ai souligné dans les
phrases le
mot illustrant une entrée donnée. Remerciements Que
mes informateurs soient ici
chaleureusement remerciés. Je suis profondément reconnaissant à I.
Kulikova
(Kymyrultyn’e) qui
a mis à ma
disposition son précieux matériau sur les rennes, ainsi qu’à A.
Qergynto et Z.
Tagryn’a-Weinstein qui ont revu ce lexique avec beaucoup de dévouement
et de
compétence. Charles
Weinstein |